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Il était une fois les Abyssanô
6 juillet 2012

Une vache ne se bat jamais...

 


 Nô note : Parfois d'un petite phrase naît une historiette. Enjoy^^


 

Une vache ne se bat jamais seule dans un pré…

 

vache-1-10

 

Par une belle fin de journée d’été, une vache dans un pré broutait paisiblement. Dans le champ voisin, une jeune fermière occupée à ratisser fut prise d’une soif soudaine. Elle releva la tête de son dur labeur et se redressa. Humidifiant ses lèvres carmins, elle scruta les environs. Quelle sotte elle avait été d’oublier sa gourde pleine d’eau fraîche à deux lieues de là… Son regard finit par se poser sur la noire et blanche ruminante. Sans y réfléchir à deux fois, elle cramponna les pans de sa robe de jute grossière et se mit en marche songeant d’avance à la douceur du lait coulant dans sa gorge.

 

Dans le ciel, une mouche par la brise se laissait porter… Depuis combien de temps n’avait-elle pas mangé ? A en juger par la nonchalance de ses ailes transparentes n’arrivant plus à lutter, cela devait faire bien longtemps… Par chance, le vent taquin la mena jusque sur le dodu dos de la tranquille laitière. Revigoré par cet atterrissage providentiel, l’insecte fut pris d’hyperactivité. Ne sachant trop par quel bout commencer, il entama une danse frénétique tantôt à pattes, tantôt à petits coups d’ailes tentant d’explorer ainsi ce vaste garde-manger.

 

Un frisson parcourut l’échine de la vache. Mollement, elle leva la tête mâchonnant une belle touffe d’herbe bien grasse. Une douce voix attira son attention… Une humaine s’approchait, une mouche l’enquiquinait... A l'évidence, sa quiétude était bel et bien brisée... La ruminante ne craignait pas les Hommes qui, en hiver, lui donnaient à manger et qui, chaque soir, soulageaient ces pis du surplus de lait qui les gonflaient douloureusement. Quant aux Insectes, deux ou trois coups de queue bien placés suffisaient généralement à calmer ces horripilants agités. D’un tempérament bonhomme, elle soupira bruyamment. Rabaissant sa lourde tête, elle reprit son activité favorite, plongeant avec délice son museau dans les herbes hautes et grasses.

 

La fermière s’approcha de la noire et blanche. D’une main amicale, elle lui flatta le ventre, chassant momentanément l’agaçante mouche. Elle s’allongea ensuite sous le ventre et commença de traitre. La vache ne s'étonna guère de ces curieuses manières, les Hommes étant à ses yeux des créatures bruyantes, aux mœurs étranges et parfaitement incompréhensibles pour tout herbivore qui se respecte. Sans doute, la femme se prenait-elle pour un veau ? Après tout, peu importait à notre quadrupède : la brise était légère, l’herbe était goûteuse et cette traite impromptue soulageait ses mamelles tendues par sa production laitière quotidienne… Las, tout aurait été bien si l’agitée affamée, attirée par les gouttes de lait perlant entre les doigts de la jeune fermière n’avait eu l’idée de revenir…

 

Enivrée par cette boisson inespérée et parfaitement rassasiée, la mouche décida de faire une promenade digestive allant des doigts de l’humaine au pis de la quadrupède. Une fois la chaleur du réservoir à nectar sous ses pattes, notre insecte se mit en tête de trouver un endroit où se reposer. Elle se lança aussitôt dans une course endiablée sur la peau tendre et chatouilleuse. Après des secondes qui parurent durer une éternité de ce supplice cutanée, exaspérée, notre docile ruminante souleva violemment son pied arrière et pressa son sabot contre son pis.

 

Le geste de l’herbivore fut étonnamment rapide, ne laissant aucune réaction défensive possible… Tout comme la mouche, la jeune fermière ne souffrit pas non plus, lorsque le lourd pied termina sa course en s’abattant sèchement sur sa figure lui brisant les os de la face en un claquement mat… Le soir venu, le propriétaire de la vache découvrant le sinistre spectacle du corps sans vie de sa jeune voisine estima que l’animal était devenu dangereux … « Une créature qui a pris l’goût au sang, recommencera… Pour sûr » marmonna-t-il tout en sortant son couteau afin de saigner la meurtrière mangeuse d’herbe.

 

Ainsi s’achève mon récit… Cette mésaventure peut laisser songeur et mener qui aime à réfléchir à quelques questions. Las, n’étant que celle qui raconte et non celle qui détient les réponses, je me permets gentil lecteur de te les poser . Qui, de la vache dérangée, de la mouche affamée ou de la fermière imprudente fut la plus coupable ? En matière de culpabilité, la fatalité n’est-elle pas, elle aussi, à suspecter ? Une chose semble évidente pourtant … Si une moralité devait en découler, elle pourrait être la suivante. Quand un coupable parait tout désigné, peut être vaut-il mieux se méfier des apparences ? Ne dit-on pas en effet qu’une vache ne se bat jamais seule dans un pré ?

 

Série Historiettes, 2012

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